Autisme : de l’autre côté du spectre
Par Selena Scalzo — N°261 / p. 32-39 • Novembre-décembre 2024
Mots-clés
BelgiqueTémoignageSantéViolenceSexismeInstitutions
Le trouble du spectre autistique (TSA) est un trouble permanent qui touche principalement le développement du langage, les interactions sociales et les capacités de communication socio-émotionnelle. En Belgique, on estime qu’environ 80.000 personnes seraient concernées. On ne devient pas autiste, on naît autiste, quelque part sur un spectre dont la largeur est telle qu’on pourrait dire qu’il y a autant « d’autismes que d’autistes », pour reprendre les mots de Lucille que nous avions interviewée dans le cadre d’un précédent article. Si certains symptômes du trouble peuvent être détectés dès la petite enfance, de trop nombreux cas passent sous les radars jusqu’à l’âge adulte, notamment chez les personnes autistes sans déficience intellectuelle (SDI). Les femmes sont particulièrement sous-diagnostiquées, victimes d’un biais de genre qui entrave leur prise en charge précoce. Durant leur longue errance médicale, elles évoluent dans un environnement inadapté à leurs besoins spécifiques, une situation qui entraîne de graves répercussions sur leur santé mentale et physique. Pour mesurer l’étendue du problème, nous avons récolté la parole de plusieurs femmes concernées et de spécialistes du sujet.
C’est l’histoire d’une souffrance mentale et physique qui n’a trouvé aucun écho. D’une errance médicale qui traverse l’enfance, l’adolescence et s’échoue sur des stéréotypes à la peau dure. Ce sont trois histoires qui racontent l’invisibilisation des minorités de genre sur le spectre de l’autisme, et comment on en arrive là.
Lea
Un matin de 2005. Dans une chambre du service psychiatrique, Lea attend les infirmières. Si elle a atterri ici, c’est pour reprendre du poids, reprendre des forces, reprendre vie. Quand une jeune fille de 13 ans arrête de manger, c’est forcément qu’il s’est passé quelque chose, un traumatisme, un élément déclencheur… Alors on cherche, on questionne, on examine. Mais Lea, elle, ne sait pas. Et les médecins, elles/eux, ne trouvent pas. Cette première hospitalisation, c’est le signal de départ d’un engrenage infernal qui se met en route, des hospitalisations qui s’enchaînent et des prescriptions de médicaments qui s’empilent. Et les années passent, comme ça, entre des médecins qui patinent et d’autres qui considèrent que, finalement, ce sont peut-être juste les caprices d’une enfant gâtée et manipulatrice. Pour attirer l’attention. Aucun diagnostic clair n’est posé, tout reste flou, vague, nébuleux. Lea avance comme elle peut, à tâtons, avec sa souffrance arrimée au corps et à la tête.
Alors elle fait des efforts, beaucoup, tout le temps, pour essayer d’avoir l’air « normale ».
Alors elle fait des efforts, beaucoup, tout le temps, pour essayer d’avoir l’air « normale ». Elle doit masquer l’énorme décalage qu’elle ressent entre elle et les autres, essaye de répondre à ce qu’on attend d’elle et de son comportement social. Elle est constamment en dehors de sa zone de confort, et cette adaptation sans relâche lui coûte tellement d’énergie que, fatalement à un moment, elle craque. Et c’est retour à la case hôpital, encore et encore. Pourtant, personne ne demande à Lea comment ça se passe dans sa vie, en dehors des murs de la chambre du service psychiatrique. Elle a l’impression qu’on finit par se contenter de mettre des pansements sur son mal-être à grands coups de pilules et de thérapies. C’est que Lea n’entre pas dans les cases, celles qu’on apprend à l’université lorsqu’on se prépare à devenir un·e professionnel·le de la santé mentale. Alors elle reste là, coincée dans un no man’s land médical qui ne fait qu’aggraver son état.
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Loë
Comme tous les matins de la semaine, Loë1 est assise dans le bus. L’endroit où elle est le mieux finalement, un endroit tampon entre la maison et l’école. Mais plus la fin du trajet approche, plus l’anxiété monte. Viscérale. Parce qu’elle sait déjà ce qui va lui tomber dessus aujourd’hui : les moqueries, l’exclusion, le harcèlement. Tous les jours le même scénario. Un scénario qui se répétera inlassablement de 2015 à 2018, les trois premières années de ses études secondaires. Trois longues années à devoir faire face à ces autres adolescent·es qui, elle ne sait pas pourquoi, la détestent. À tel point qu’elle finit par se détester elle-même. À 13 ans, les idées noires sont omniprésentes dans sa tête.
Pourtant Loë en fait des efforts, déjà rien que d’ouvrir la bouche pour parler, lever la main pour répondre, jouer à touche-touche avec les autres, ça lui demande de sortir de sa zone de confort.
En primaire déjà, c’était compliqué, mais différemment. Loë, c’était une enfant douce et sage, tellement sage que ses institutrices rêvaient « qu’ils soient tous comme ça ». Elle ne participe pas beaucoup en classe, c’est vrai, et il faudrait quand même « faire un petit effort ». Pourtant Loë en fait des efforts, déjà rien que d’ouvrir la bouche pour parler, lever la main pour répondre, jouer à touche-touche avec les autres, ça lui demande de sortir de sa zone de confort. Mais c’est une petite fille, les petites filles calmes et timides, cela n’a rien d’exceptionnel finalement. Elle se rend bien compte que, déjà, les autres ne veulent pas trop jouer avec elle.
Elle réalise alors que si elle veut que ça change, elle ne pourra compter que sur elle-même.
À la maison, c’est une autre paire de manches. Loë pique de violentes colères, jusqu’à frapper ses sœurs. Tout ce qui bouscule ses envies ou ses habitudes lui fait perdre les pédales. Ses parents diront même que sa « crise des 2 ans » durera jusqu’à ses 18 ans. Ses devoirs prennent des heures, tous les jours, dans les cris et les larmes. Alors ses parents ont pris rendez-vous chez un psychologue, pour tenter d’apaiser les choses, mais ils abandonnent après trois consultations, parce que cela n’a pas l’air de servir à grand-chose. Et puis, c’est cher.
Vers 17 ans, elle touche le fond, se dit qu’elle est un fardeau pour ses proches, n’a plus d’intérêt pour rien, ne sait plus qui elle est. Consulte à nouveau, mais ça ne mène nulle part. Elle réalise alors que si elle veut que ça change, elle ne pourra compter que sur elle-même.
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Alice
Alice (prénom d’emprunt) a 39 ans, et d’aussi loin qu’elle s’en souvienne, elle s’est toujours sentie bête. Stupide. Incapable de comprendre ce qui a pourtant l’air si facile pour les autres. Comme inadaptée à un monde dont elle n’arrive pas à déchiffrer le mode d’emploi, un peu comme s’il y avait une masse compacte, les autres et elle, seule, juste à côté. Spectatrice d’une pièce de théâtre géante dans une langue qu’elle ne connaît pas.
Ce qui commence comme un jeu devient une lutte quotidienne pour exécuter des gestes d’une banalité apparente mais qui sont pour elle une torture de chaque instant.
Très jeune elle comprend que c’est elle qui devra s’adapter, si elle veut survivre dans cet univers complètement illisible, pour que ça se passe mieux, pour qu’on la laisse tranquille. Ce qui commence comme un jeu devient une lutte quotidienne pour exécuter des gestes d’une banalité apparente mais qui sont pour elle une torture de chaque instant. Regarder les gens dans les yeux lorsqu’ils lui parlent ? Malaisant. Faire la bise ? Dégoûtant. Faire des courses dans un supermarché ? Terrifiant. Toucher une éponge à vaisselle ? Insurmontable. Le rapport à la nourriture devient aussi compliqué, très compliqué. À l’adolescence, elle trouve refuge dans l’alcool, enfin quelque chose qui l’aide à s’apaiser, à anesthésier ce corps dont elle se sent de plus en plus souvent dissociée. Et elle commence à boire, beaucoup. En rhéto, le poids trop lourd de ce mal-être devient insupportable, elle ne veut plus de cette vie et fait une tentative de suicide. Mais la vie la rattrape de justesse.
Une coccinelle dans un monde de guêpes, c’est comme ça qu’Alice se sent, partout, tout le temps.
Autour d’elle, personne ne comprend vraiment ce qu’il se passe et pendant ce temps, dans sa tête, toujours comme une impression de hurler en silence, dans le vide. Rapidement, elle quitte l’école, persuadée de n’avoir aucune compétence intellectuelle et commence à travailler. Elle rencontre alors des personnes qui abusent de sa fragilité. Subit des violences conjugales à répétition. Une coccinelle dans un monde de guêpes, c’est comme ça qu’Alice se sent, partout, tout le temps. Son entourage minimise : c’est « un peu banal les histoires d’amour qui tournent mal, c’est pas si grave » ; « Il faut juste vouloir s’en sortir ». Une dépression, ça n’a rien d’exceptionnel, surtout quand on est une femme. Mais Alice, elle sait que c’est plus profond que ça. Que c’est enraciné beaucoup plus loin. Que ça la transperce jusque dans les muscles, elle qui a des spasmes dans les membres supérieurs dès que l’anxiété est trop forte. Et elle tient comme ça pendant des années, comme au bord d’une falaise. Et puis, à 37 ans, tout lâche et elle s’effondre. Burn-out.
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Le mauvais genre
Lea, Loë et Alice sont autistes, mais ne l’ont découvert qu’à l’âge adulte. Selon les organismes de référence, dont l’Organisme mondial de la Santé (OMS), on estime qu’environ un à deux pour cent de la population mondiale est autiste et que la proportion serait d’une femme pour quatre hommes. Si l’on resserre le faisceau sur l’autisme dit « léger » (voir encadré en fin d’article), on passe à une femme pour neuf hommes. Mais cette prévalence masculine est remise en question par plusieurs chercheurs/euses qui ont mis en lumière l’impact du biais de genre sur les diagnostics autistiques. Il n’y aurait pas moins de femmes autistes que d’hommes, elles passeraient plus souvent sous les radars. Mais pourquoi ?
Il n’y aurait pas moins de femmes autistes que d’hommes, elles passeraient plus souvent sous les radars.
Pour Cédric Detienne, psychologue clinicien spécialisé dans l’autisme, « il y a à l’origine un biais de genre qui date des années 1940, lorsque les psychiatres Leo Kanner et Hans Asperger ont défini les premiers contours de l’autisme en observant majoritairement des petits garçons. Et ils ont construit leurs outils de diagnostic [comme le test ADOS, une échelle d’observation encore très utilisée aujourd’hui, ndlr] sur base de ces premières données. » Mais voilà, l’autisme ne s’exprime pas de manière tout à fait similaire chez les filles et chez les garçons. Si les filles ont souvent de meilleures compétences de langage, elles subissent aussi très tôt des injonctions genrées qui leur assignent des comportements sociaux spécifiques : on attend d’elles qu’elles soient calmes, plutôt discrètes, qu’elles ne parlent pas trop fort. Qu’elles ne prennent pas trop de place. Qu’elles développent aussi de meilleures interactions sociales, poussées à écouter et prendre soin des autres. Les premiers signaux sont donc souvent brouillés.
Et les stéréotypes de genre ne s’arrêtent pas devant la porte des cabinets de consultation ; certaines pathologies comme la dépression, l’anxiété ou l’anorexie, reconnues comme des comorbidités de l’autisme, restent considérées comme plutôt féminines. D’après Cédric Detienne, « on ne peut pas nier qu’il y a un biais de genre dans le cadre des consultations, un rapport de pouvoir, d’autorité qui a un impact sur la manière dont les femmes sont diagnostiquées ». Le biais de genre dans les soins de santé en Belgique a d’ailleurs fait l’objet d’une étude réalisée en 2023 par Svetlana Sholokhova, chargée de recherche en santé. Spoiler : oui, les stéréotypes de genre que l’on constate dans d’autres sphères de la société se reproduisent dans notre système de soins de santé et oui, les minorités de genre sont désavantagées dans le diagnostic, le traitement et le suivi de leurs pathologies.
En dehors de la sphère médicale, les représentations ne sont pas beaucoup plus inclusives : les clichés de l’autiste non verbal ou surdoué restent masculins et prédominants ; ils occupent plus de place dans l’espace médiatique et public. Difficile donc de s’y identifier en tant que femme ou personne non-binaire… Or, ces représentations jouent souvent le rôle de déclic, de point de départ pour un cheminement vers le diagnostic.
Se camoufler et… survivre
Sans ce diagnostic, ces femmes autistes tâtonnent pour survivre dans un monde que leur cerveau ne permet pas d’appréhender et de comprendre naturellement. Elles mettent alors en place des stratégies (parfois consciemment, souvent inconsciemment), redoublent d’efforts constants d’autorégulation, de contrôle de soi et de concentration qui les épuisent. C’est ce qu’on appelle le camouflage social, un mécanisme de suradaptation dans lequel, souvent, elles excellent mais qui n’est pas sans conséquence pour leur santé physique et mentale.
C’est ce qu’on appelle le camouflage social, un mécanisme de suradaptation dans lequel, souvent, les femmes autistes excellent mais qui n’est pas sans conséquence pour leur santé physique et mentale.
Invisibilisées, elles souffrent fréquemment d’isolement, de dépression sévère ou de troubles graves de l’alimentation, ont une plus grande vulnérabilité face aux violences psychologiques et sexuelles, des difficultés pour trouver et garder un emploi, une propension aux addictions de drogues ou d’alcool, des risques de burn-out chronique, ou encore des pensées suicidaires plus fréquentes que la moyenne. La liste est longue.
En 2022, la neuroscientifique Fabienne Cazalis et son équipe publient les résultats d’une étude menée en France auprès de 225 femmes autistes et les résultats sont glaçants : 90 % d’entre elles ont déjà été victimes d’agressions sexuelles. Une étude suédoise de 2016 réalisée par les chercheurs/euses du Karolinska Institutet a mis en avant un autre constat effrayant : les femmes autistes présentent un risque de mortalité multiplié par 9 comparé aux femmes du même âge exemptes de TSA, notamment par suicide, dont le risque est multiplié par 7,5 par rapport à la population « normale ».
Coach certifiée accompagnant des adultes autistes en pré- et post-diagnostic, Marlene Nuhaan voit passer régulièrement des femmes que l’on a mises dans les mauvaises cases. Elle nous explique : « Une femme autiste non diagnostiquée en détresse et au bout du rouleau est vite diagnostiquée comme dépressive, bipolaire ou ayant un trouble de la personnalité, avec parfois une médicalisation (ou une automédication, voire une addiction) qui en rajoute aux dégâts déjà causés par le manque d’écoute et de reconnaissance. Et vu qu’on ne sait pas grand-chose des manifestations de l’autisme chez les femmes, on ne va pas chercher plus loin… »
Avancer dans le désert
Le manque de soignant·es suffisamment formé·es et informé·es joue un rôle prépondérant dans ces diagnostics tardifs. Clara (prénom d’emprunt), étudiante en dernière année de psychologie clinique, estime que les spécificités de l’autisme adulte sont peu abordées dans son cursus universitaire. « J’ai eu, pendant toutes mes études, un seul cours en dernière année dans lequel on a abordé cette thématique, notamment via des témoignages. Et deux séminaires qui traitaient de cette matière mais qui étaient des cours à option. Le focus est plutôt mis sur le diagnostic des enfants. » Pour se spécialiser, il faut donc s’y intéresser par soi-même et choisir de creuser le sujet via un stage, par exemple.
Un diagnostic peut coûter entre 300 et 600 euros, une barrière de taille quand on sait que l’autisme a souvent des répercussions sur l’accès à l’emploi, et donc fatalement sur les ressources économiques.
S’il existe quatre centres de référence pour l’autisme en Fédération Wallonie-Bruxelles, seuls deux proposent des diagnostics pour adultes. Et encore, puisque le CHU Brugmann n’accepte que les patient·es âgé·es de maximum 30 ans et pour le SUSA (Service Universitaire Spécialisé pour personnes Autistes), le plafond est limité à 35 ans. Quant au CRAL (Centre de Ressources Autisme de Liège), il affichait… 16 ans d’attente pour une consultation avant de, finalement, fermer son service de diagnostic pour adultes en 2022. Ces centres sont subventionnés par l’INAMI et donc plus accessibles financièrement, à condition d’arriver à obtenir un rendez-vous. Les délais sont plus courts dans le privé (quelques mois) mais les praticien·nes sont rares et les consultations moins bien remboursées. Un diagnostic peut coûter entre 300 et 600 euros, une barrière de taille quand on sait que l’autisme a souvent des répercussions sur l’accès à l’emploi, et donc fatalement sur les ressources économiques.
D’après Marlene Nuhaan, « il y a, en matière d’autisme, deux Belgique. La Flandre est plus avancée sur ces questions, avec des jeunes auteurs comme Elise Cordaro et Magali De Reu qui sont fort médiatisées, et Peter Vermeulen, l’un des plus grands chercheurs actuels en autisme qui a créé Autisme Centraal, un centre d’études et de formations résolument moderne et à jour. En Flandre les choses bougent depuis une quinzaine d’années, en suivant les avancées dans les pays anglophones et de nos voisins nordiques. Côté francophone, nous pouvons compter sur une main les personnes compétentes en matière de diagnostic d’autisme adulte. »
La formation des soignant·es apparaît, unanimement, comme un enjeu majeur.
La formation des soignant·es apparaît, unanimement, comme un enjeu majeur. Dans une sorte de tiercé gagnant, une formation de qualité, combinée à une plus grande accessibilité au diagnostic et à une déconstruction profonde des stéréotypes, garantirait une meilleure prise en charge des minorités de genre sur le spectre de l’autisme. Plus tôt, et avec plus de bienveillance.
Donner de la voix
La prise de conscience de cette invisibilisation est assez récente et rencontre encore des résistances au sein du corps médical, mais Cédric Detienne est optimiste : « Depuis les années 1990-2000, on observe un changement culturel et social de la représentation de l’autisme, notamment grâce à l’amplification des témoignages via les réseaux sociaux, mais aussi des séries TV. Les choses sont en train de changer, la prise en considération de la voix des femmes autistes est plus grande, le train est en marche et les professionnel·les de la santé n’auront pas d’autre choix que de le prendre. »
Depuis qu’elle a eu son diagnostic, Lea n’a plus séjourné en psychiatrie. Elle cherche toujours l’accompagnement et le rythme de travail adapté qui lui permettront de vivre plus sereinement. Loë a entrepris des études supérieures pour devenir éducateur spécialisé, avec pour projet d’ouvrir un centre d’accompagnement pour personnes autistes. Iel a mis en place des aménagements dans sa vie de tous les jours pour mieux anticiper les crises autistiques dues au bruit, au stress, à l’imprévu. Quant à Alice, elle a reçu un pré-diagnostic qui lui permet petit à petit de mettre des limites dans les gestes du quotidien. Elle est sortie du cercle vicieux des relations d’abus et a recommencé à travailler. Elle ne boit plus d’alcool depuis trois mois.
1. Loë est non-binaire mais était perçu comme fille jusqu’à ses 20 ans, raison pour laquelle le texte est genré au féminin.
L’autisme dit « léger »
Considéré comme un « trouble envahissant du développement » par l’OMS, le trouble du spectre de l’autisme (TSA) est un trouble neurodéveloppemental qui touche principalement les capacités de communication socio-émotionnelle. La largeur du spectre est telle qu’aucun tableau ne peut être dressé de manière systématique. Le diagnostic peut être posé de manière précoce (souvent avant l’âge de 3 ans) lorsque l’un ou plusieurs des symptômes affectent de manière visible et flagrante les fonctions du langage, les capacités intellectuelles ou les interactions sociales de l’enfant. Mais ce n’est pas toujours le cas : l’autisme de haut niveau, aussi appelé autisme « léger » (ce qu’on appelait avant le syndrome d’Asperger), est un autisme sans déficience intellectuelle (SDI) qui passe souvent inaperçu. On parle donc ici d’un handicap invisible. Une personne atteinte d’un TSA SDI rencontre au quotidien des difficultés de communication verbale et non verbale, des difficultés de socialisation, et son système neurosensoriel est souvent déficient. Sans ce diagnostic dès l’enfance, les personnes autistes arrivent à l’âge adulte sans accompagnement ni aménagements spécifiques, avec des impacts graves sur leur santé mentale et physique.