Pourquoi tant de silences(*) dans un monde aussi bruyant?

Souvent, après l’annonce d’un diagnostic, ou toute autre grande nouvelle qui bouleverse et qui change la vie, nombre de personnes se trouvent face à un silence assourdissant.

Vous avez fait part de votre diagnostic, et votre entourage ne pose pas vraiment les questions que vous auriez voulu poser: « Qu’est-ce qui t’a amenée à demander un diagnostic? », « Comment te sens-tu maintenant? », « Qu’est-ce qui change pour toi, sachant que tu es autiste? » Ce qui semble souvent manquer aussi, ce sont les paroles de reconnaissance: « Je me souviens, ton comportement quand tu étais enfant…« , « En effet, à l’école tu avais du mal » ou encore: « Cela explique pas mal de choses! » Par contre, jai entendu de plusieurs personnes que, dès leur coming out autistique (leur coming aut donc) elles ont reçu des appels de connaissances qui tout à coup se remettaient en question: « Allô, penses-tu que MOI AUSSI je pourrais être autiste? »

Ce silence, j’ai pu le constater face à d’autres grandes nouvelles, pas seulement un diagnostic. « As-tu besoin d’aide?« , « Veux-tu que je passe te voir? » ou tout simplement: « Comment vis-tu ce bouleversement? » sont pourtant des formules magiques qui rétablissent la connection, le lien, dans un moment où tout semble s’écrouler.

Je pense à quelques pistes pour comprendre pourquoi tant de silences (ils sont multiples) :

  • Une forme de pudeur: on ne connaît pas bien le sujet, on ne sait pas trop quoi dire. On n’ose pas poser de questions, tendre la main, être à l’écoute en toute simplicité car le sujet est étrange.
  • On pense qu’il faut apporter la réponse ou la solution, sinon on est inadéquat.e.
  • On a peur de paraître maladroit.e ou insensible, alors il vaut mieux ne rien dire, ou pas trop.
  • Faire face à la souffrance ou le bouleversement de l’autre, c’est aussi: faire face à ses propres incertitudes. Il peut y avoir de la peur, de l’impuissance. Et surtout: de la vulnérabilité. C’est inconfortable, tout cela.
  • Certaines personnes pourraient avoir peur de déranger, ou de devenir un poids en offrant de l’aide ou en posant des questions, ou peuvent se dire: « Elle est déjà bien entourée, je ne vais pas m’imposer. »
  • Les amis, les membres de la famille sont probablement tout simplement occupés à leurs propres besognes, et indisponibles. Je suis d’accord, ce n’est pas vraiment une bonne excuse.
  • Absence de moyens émotionnels et cognitifs: si on n’a pas vécu une telle chose, il est parfois difficile de se mettre à la place de l’autre et de comprendre.
  • Et il se peut que certaines personnes pensent qu’il s’agit d’une mode quand il s’agit de l’autisme, le TDAH…, ou que ce n’est pas vrai – vous ne correspondez pas au cliché qu’elles véhiculent – Rain Man, ou le frère du copain de classe du petit voisin qui, lui, est ‘vraiment autiste’.
  • Et puis il y a le déni. C’est quand la personne n’a pas envie d’entendre que tu es un peu différent.e de ce qu’elle pense que tu es. Et elle n’a pas envie de devoir changer sa façon de te voir. Elle n’a pas envie que votre relation change. Pas de jugement ici, mais il est possible que cette relation ne reste pas dans ta vie d’après le diagnostic.

Que faire si vous avez besoin de parler, besoin de réconfort et de de présence?

  • Communiquer clairement ce dont vous avez besoin: une écoute, un partage, un soutien, du réconfort, une présence… Nous sommes d’accord: il est très difficile de communiquer clairement en temps normal, et certainement lorsque son monde vient de basculer.
  • Comprendre que certaines personnes sont plutôt réactives que proactives. Elles ont besoin que vous leur dites ce dont vous avez besoin. Si vous vous sentez en confiance: n’hésitez pas. Inconvénient: il faut donc beaucoup de ressources et porter l’autre lorsque l’on a besoin de soutien.
  • Tenter de trouver ou de créer un cercle de soutien: focalisez-vous sur les personnes qui ont été là dans le passé. Elles le seront probablement encore. Mais ce n’est pas certain, parfois les relations du passé disparaissent après un diagnostic, pour différentes raisons.
  • Exprimez-vous. Si le silence de certaines personnes vous blesse, dites-le, avec calme et sans reproche. Parlez de votre ressenti: « J’aurais tant voulu que tu me poses des questions » vaut mieux que « Pourquoi ne me poses-tu aucune question? » et soyez à l’écoute de la réponse. Petit obstacle: il faut parfois attendre le bon moment pour ouvrir ce paquet, mais l’attente en vaut sans doute la peine.
  • Elargissez votre horizon: des thérapeutes et des groupes de parole et de soutien, y compris en ligne, sont là pour vous aider à mieux (vous) comprendre et pour vous soutenir.

Si vous avez envie d’être à l’écoute, de tendre la main, voici quelques idées qui me viennent:

  • Osez être curieux.se! Osez ne pas savoir, et apprendre de l’autre!
  • On n’attend pas de vous d’apporter la réponse, ou d’être expert.e en la matière.
  • Commencer par un « Ah, mais moi je… » peut être perçu comme violent, car cela balaye l’expérience que l’autre est en train de vivre. On peut partager, mais pas superposer. Votre chemin ne sera pas le même que celui de votre ami.e.
  • Votre écoute bienveillante, votre amitié, votre temps, votre attention, tout cela vaut de l’or.
  • Restez dans la simplicité: au lieu de proposer des grands discours et des leçons, proposez un thé, une petite couverture, un silence, un fruit, un sourire.

Porter sur ses épaules une nouvelle qui change la vie, c’est lourd.
Porter ce poids seul.e, c’est encore pire.

Votre besoin de lien et de réconfort est absolument valide.
Ne laissez pas le silence de certain.es vous dévaloriser, ni vous, ni ce que vous êtes en train de vivre.

(*) tant de silences au pluriel, car ils sont multiples

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